La définition d’un héros
Par Michel Houtart
A ce jour de nombreuses contre-vérités circulent concernant Paul Rusesabagina.
En 1994, j’étais directeur à la Sabena en charge de la coordination de la trentaine de filiales dont l’Hôtel des Milles Collines.
Le 12 avril 1994, Cornélis Bik, le directeur de l’Hôtel des Milles Collines a été évacué vers Bruxelles. J’ai à ce moment désigné Paul Rusesabagina comme directeur ad intérim.
A ce moment, j’ai créé à Bruxelles début avril 1994 un centre de crise composé de René Madry, Cornélis Bik et de moi-même pour examiner la situation. Pratiquement tous les soirs notre centre de crise avait une communication téléphonique avec Paul Rusesabagina pour examiner toutes les actions possibles en vue d’éviter un génocide dans l’hôtel et protéger tous les occupants.
Au début l’alimentation en nourriture et boissons était fournie par l’hôtel et par les réserves de la Sabena destinées aux passagers aériens. Aussi j’ai demandé de faire payer ces prestations ou de demander une reconnaissance de dette en faveur de l’hôtel. Après quelques semaines, les réserves étant épuisées, c’est la croix rouge internationale qui alimentait l’hôtel et déversait de l’eau potable dans la piscine. Dès ce moment j’ai donné instruction d’arrêter toute demande de paiement ( N.B. : l’hôtel a décidé ultérieurement de ne jamais réclamer les reconnaissances de dettes).
Si certains passages du film « Hôtel Rwanda » ont été résumés et romancés, cela n’enlève rien au comportement héroïque de Paul Rusesabagina durant toute la période du génocide. Durant ces trois mois, la seule préoccupation de Paul a été de sauver tous les occupants de l’hôtel.
Fin juin, Paul Rusesabagina me téléphona affolé pour m’avertir que l’armée rwandaise exigeait endéans les 24 heures la liste de tous les Tutsis résidant dans l’hôtel (environ 80% des réfugiés) et que si cette liste n’était pas fournie, tous les occupants seraient massacrés. Devant la gravité de la situation, j’ai demandé à Pierre Godfroid , Président de la Sabena, de participer à la discussion. Sans la moindre hésitation celui-ci refusa que cette liste soit fournie et il ajouta qu’il ferait l’impossible pour éviter le massacre dans l’hôtel. Deux heures plus tard, il organisait devant de nombreuses chaînes de télévision une conférence de presse suppliant toutes les parties d’éviter le massacre. Simultanément j’ai téléphoné en France au nr spécial concernant les affaires Rwandaises. Je suis en contact avec un représentant du Quai d’Orsay et lui explique la gravité de la situation. Mon interlocuteur me signale qu’il allait immédiatement prévenir le Président Mitterrand. Quelques semaines plus tard, j’ai reçu des extraits de presse française indiquant que le Président était intervenu auprès des deux camps pour protéger les 1000 réfugiés de l’hôtel des Milles Collines.
Après le départ des réfugiés l’hôtel a été pillé (heureusement pas saccagé). Fin juillet 1994 Cornélis Bik retourna à Kigali pour remettre l’hôtel en ordre de marche. A aucun moment, ni Cornélis Bik ni moi-même, n’avons entendu de la part du personnel ou d’anciens réfugiés des critiques concernant Paul Rusesabagina. Bien au contraire.
Le dictionnaire « Le petit Larousse » donne la définition suivante d’un Héros : « Personne qui se distingue par des qualités ou des actions exceptionnelles, par son courage face au danger ». Cette définition correspond parfaitement au comportement de Paul Rusesabagina durant la période du génocide.
Michel Houtart
Ancien Directeur de Sabena
English version below.
The Definition of a Hero
By Michel Houtart
These days, there are many circulating untruths concerning Paul Rusesabagina.
In 1994, I was the director at Sabena in charge of coordinating the thirty subsidiaries including the Hôtel des Milles Collines.
On April 12, 1994, Cornélis Bik, director of the Hôtel des Milles Collines, was evacuated to Brussels. I had at this moment appointed Paul Rusesabagina as interim director.
At that time I created in Brussels at the beginning of April 1994 a crisis center made up of René Madry, Cornelis Bik, and myself to examine the situation.
Almost every evening our center crisis had a telephone call with Paul Rusesabagina to examine all possible actions to prevent genocide in the hotel and protect all occupants.
In the beginning, supply of food and drink was provided by the hotel and by the reserves of the Sabena for air passengers. So I asked to charge for these services or ask for an IOU in favor of the hotel. After a few weeks, the reserves being exhausted, it was the International Red Cross that fed the hotel and dumped drinking water in the swimming pool. From that moment on I gave instructions to stop all payment requests (N.B .: the hotel later decided never to claim the IOUs).
If certain passages of the film “Hotel Rwanda” have been summarized and romanticized, this does not detract from the heroic behavior of Paul Rusesabagina throughout the genocide period. During these three months, Paul’s only concern was saving everyone in the hotel.
At the end of June, Paul Rusesabagina telephoned me in a panic to warn me that the Rwandan army demanded within 24 hours a list of all Tutsis residing in the hotel (around 80% of refugees) and that if this list was not provided, all occupants would be massacred. Faced with the gravity of the situation, I asked Pierre Godfroid, President of Sabena, to participate in the discussion.
Without the slightest hesitation, he refused that this list be provided and he added that he would do the impossible to avoid the massacre in the hotel. Two hours later he organized a press conference in front of many TV channels pleading with all parties to avoid the massacre.
At the same time, I telephoned a special number for Rwandan affairs in France. I was in contact with a representative of the Quai d´Orsay and explained the seriousness of the situation. My interlocutor told me that he was going to immediately warn President Mitterrand. A few weeks later, I received extracts from the French press indicating that the President had intervened with the two camps to protect the 1,000 refugees at the Hôtel des Milles Collines.
After the refugees left, the hotel was looted (fortunately not ransacked). A the end of July 1994 Cornélis Bik returned to Kigali to get the hotel up and running. At no time, neither Cornélis Bik nor myself heard from staff or former refugees any criticism of Paul Rusesabagina. Quite the contrary. The dictionary “Le petit Larousse” gives the following definition of a Hero: “Person who is distinguished by exceptional qualities or actions, by his courage in the face of danger ”. This definition corresponds perfectly to the behavior of Paul Rusesabagina during the period of genocide.
Michel Houtart
Former Director of Sabena